Cinq heures trente le 28/04/ 2015 Françoise, Martine, Jean Paul sont piles à l’heure devant le domicile de JPP. C’est la deuxième fois que nous partons pour l’Autriche pour l’habituel raid à ski annuel. Premier arrêt à Chambéry pour récupérer Hervé sur son lieu de travail, puis deuxième arrêt à Genève avec un peu de cafouillage pour rejoindre Simon et enfin dernier détour à Berne pour prendre Arnaud. Le timing est à chaque fois respecté, à peine contrarié à la gare de Berne par 2 policiers tatillons et têtus pour ne pas dire plus. Nous arrivons comme prévu au village de Vent vers 16h ou nous retrouvons Sylvain et Radek déjà sur place. Il fait beau mais un fort vent semble souffler sur les crêtes ce qui nous est confirmé par un groupe de français qui arrive des hauteurs. La pension Obervent est confortable, le personnel sympathique, le diner copieux, et c’est donc l’esprit rempli d’optimisme que nous passons notre première nuit dans l’Otztal.
Dimanche 29
Lever tardif à 8h et départ à 10 après le petit déjeuner complet traditionnel en Autriche. Contrôle des Arvas avant de partir, Françoise s’avise que le sien ne fonctionne pas, les piles sont mortes. Une petite demi heure d’attente lui laissera le temps de trouver des piles de remplacement puis nous commençons une montée rive gauche du thalweg, traversant des ravines assez raides pour rejoindre après 2h 30 de marche la Martinbusch hutte à 2501 m. La chaleur est intense car nous sommes encore protégés du vent et les dessous de pied commencent à s’échauffer désagréablement. Le refuge ne se découvre qu’au dernier virage. Il est en pierre, confortable, et nous installons nos pénates dans les petites chambres à 5 lits. Le reste de la journée passe à se goinfrer avec les applestrudel mit zahn (gâteau aux pommes avec crème) qui sont énormes et en sirotant les bocs contenant un demi litre de bière.
Lundi 30
Petit déjeuner à 7h. Le vent a soufflé toute la nuit, l’horizon est bouché. Nous partons vers 8h 15 pour le refuge Similaun 3000m. Le vallon est relativement plat et ne pose pas de problème d’itinéraire, d’autant qu’un groupe d’allemands nous précède faisant la trace. Le refuge est adossé au rocher sur le col du même nom et il est approvisionné depuis l’Italie par un téléphérique. Nous y faisons une rapide halte pour poser les sacs. Il est 10 h et le vent est de plus en plus présent avec des bourrasques violentes qui soulèvent la neige en tourbillons et fouettent les structures du refuge. Sylvain, Arnaud, Simon, Radek et moi tentons tout de même de continuer vers le sommet du Similaun 3600m. Très vite Radek découragé par la violence des bourrasques abandonne au bout de quelques longueurs , puis nous croisons quelques Autrichiens caparaçonnés de neige , engoncés dans leurs parkas qui descendent du sommet (ils se sont arrêtés au début de l’arête par prudence ) nous brassons dans 50 cm de poudreuse, et 300m plus haut nous abandonnons a notre tour, trouvant sans intérêt de continuer dans le brouillard et le blizzard .
Mardi 31
Miracle, il fait beau, on a même l’impression que le vent s’est calmé. Le déjeuner est expédié et nous partons en direction du col Hauslabjoch 3283m qui donne accès au refuge Hochjochhospiz et à la vallée de Rofen. Le soleil chauffe rapidement les corps et bientôt tout le monde se retrouve en T-shirt, mais plus nous approchons du col, plus ce satané vent devient présent. Un rapide casse croute nous permet de nous rhabiller promptement. Plus loin nous doublons la stèle marquant l’emplacement où fut découvert Otzi, ce fameux ancêtre de 8000 ans tué à cet endroit par ses congénères. (Les autrichiens et les italiens se disputent âprement cette découverte) les bourrasques en tourbillons nous déséquilibrent constamment, le col est bientôt en vue mais les rafales sont si violentes (je les évalue à 100/110 km/h) que nous sommes obligés d’enlever les skis et chausser les crampons pour traverser en sécurité. Pour ma part je passe le col quasiment à plat ventre, le vent me criblant la face de cristaux de neige. Au delà du col la tourmente ne faiblit pas et nous contraint à descendre une centaine de mètres pour trouver l’abri des rochers et pouvoir rechausser les skis. La suite est plus tranquille, dès qu’on descend le vent se réduit progressivement. Un glacier vaste et plat (horchjochferner) puis de belles pentes en poudreuse nous rapprochent progressivement du refuge Hochjoch-hospiz 2412m . Trois français de Pau un peu perdus qui nous ont suivis par commodité nous doublent pendant que nous casse -croûtons au soleil et remontent en éclaireurs les cent cinquante derniers mètres permettant l’accès au refuge.
Mercredi 1er Avril
Le panorama est de nouveau bouché, il neige, il vente et l’indice de risque avalanche est à 3-4 sur 5. Nous nous concentrons sur le petit déjeuner toujours aussi copieux. Après concertation, nous décidons de partir sur le glacier Hintereisferner qui descend du Weisskogel, relativement plat et qui de fait ne comporte pas trop de risque. Jean Paul , que la météo démoralise et Francoise (qui s’est explosé une côte sur une barre métallique dans la salle de rangement des skis), ne nous accompagnent pas. Radek plein d’énergie deux minutes avant, abandonne aussi quand il réalise qu’il faut descendre, (et donc remonter au retour) les 150 mètres cités plus haut . La vallée glaciaire du Weisskogel est plate, (plus plate on descendrait) on avance donc lentement ; logiquement les skis de fond seraient mieux adaptés à cette progression. Nous buttons sur le front du glacier ou la pente commence à se redresser, un petit arrêt de délibération est alors nécessaire : mais rien à espérer, le temps ne s’améliore pas, il neige toujours, le brouillard est omniprésent et encore une fois nous rebroussons chemin. Pour changer un peu au retour, nous remontons les 150 m qui nous séparent du refuge, par des pentes un peu plus raides mais déjà partiellement déneigées car en face sud. Juste au dessus du refuge la pente est tellement tentante qu’Arnaud et Simon la gravissent trois fois pour imprimer leurs traces dans la poudreuse.
Jeudi 2 avril
Toujours du brouillard, le mauvais feuilleton continue. Nous décidons néanmoins de gravir le Gularspitz 3128m qui ne présente pas trop de risque. Françoise toujours en délicatesse avec ses côtes reste au refuge. La montée est régulière avec de belles éclaircies de temps à autre , entrecoupées de rafales de vent moins violentes toutefois que les jours précédents.
Au moment ou la visibilité devient nulle et ou nous envisageons de rebrousser chemin, la croix du sommet se découpe fugitivement sur les nuages. On essaye de ne pas trainer au sommet mais c’est compter sans Sylvain qui a voulu régler ses skis au refuge et qui nous fait poireauter plus d’un quart d’heure dans le froid car ses « planches » ne lui tiennent plus aux pieds. La descente est en très bonne neige, mais dés lors qu’on ne voit pas de rocher dépassant de la neige tout est d’un blanc ouaté et uniforme, le ciel se confondant avec le sol et on semble flotter dans un univers indistinct qui étourdit et perturbe l’équilibre. Le refuge finit par apparaitre dans notre champ de vision et c’est encore une fois à midi que nous terminons notre journée de ski.
Vendredi 3/04
Nous ne l’attendions plus, le beau temps est enfin arrivé. Le vent est apparemment tombé, mais l’indice de risque est à 4. Avec ces rafales soufflant en permanence depuis des jours, la montagne est constellée de plaques à vent .Nous avons cependant bon espoir de faire le Fluchtkogel 3494m, dont le glacier semble peu pentu. Le départ est le même que pour le GularSpitz, mais nous traversons beaucoup plus à l’0uest. Une zone rocheuse et déneigée se présente et nous stoppe ce qui nous permet d’observer en face de nous, les pentes donnant accès au glacier du Flutchkogel, le Kesselwandferner. A droite un couloir à 40°-45°, à gauche des pentes plus accessibles mais très chargées. Non, décidemment je ne le sens pas, ça me parait beaucoup trop dangereux. Les montagnes seront toujours là l’année prochaine, pour nous , ce ne sera plus le cas si nous prenons une coulée sur la tête !
Le Gular déjà fait hier nous invite sur ses pentes accueillantes et ses vallons bien enneigés. Nous gagnons le sommet inferieur 3128m puis pour faire bonne mesure le sommet supérieur 3147m. En contre bas on découvre le refuge Vernagthutt 2755m et au loin le Wildspitz 3768m point culminant du massif , que nous aurions dû faire aujourd’hui si le programme s’était déroulé comme prévu. Mais l’homme propose, la nature dispose. La descente avec visibilité cette fois est géniale. C’est tellement jouissant que presque tout le monde remonte 400m de pente pour recommencer.
Samedi 4
Nous plions bagage et rejoignons Vent par la longue vallée de Rofen, encaissée, magnifique, le sentier se frayant un passage parmi les barres rocheuses et les cascades de glace et nous arrivons aux voitures vers 13h.
Nous abandonnons Sylvain et Radek à la gare d’Otztal, puis en sens inverse et sous une pluie incessante et diluvienne nous laissons Arnaud à Berne, Simon à Genève, Hervé à Chambéry et à 21h nous arrivons à Grenoble, contents malgré tout de notre périple tyrolien.
JPP