L’ascension au refuge de l’Aigle est une course mythique à laquelle nous rêvions depuis quelques années. Entre les courses de vélos, les soucis de santé des uns, ce rêve était reporté chaque année. Mais pour 2024, les planètes semblaient alignées pour réussir.
Nous nous sommes donc retrouvés à 7 (Agnès, Alexis, Anne, Catherine Hacquès, Jean-Pierre, Martine et Yolande) pour tenter l’aventure.
Autrefois, l’accès au refuge de l’Aigle se faisait directement depuis La Grave, par la côte longue et la rive droite du glacier du Tabuchet. Du fait du retrait glaciaire et de l’état de la partie inférieure de celui-ci, cet itinéraire ne se pratique plus aujourd’hui qu’en hiver et au printemps, en ski de randonnée. Actuellement, l’accès se pratique en partant de Villar d’Arène.
La montée au refuge de l’Aigle est longue et le dénivelé conséquent (1800m de dénivelé, 5h30 à 6h de marche) avec des difficultés (passages rocheux, vire Amieux équipée d’un câble, terrain glaciaire). Cette longue course mixte (neige/rocher) constitue en soi une course de montagne de difficulté F.
Après un premier regroupement à 5h20 au Péage de Vizille, nous avons pris la route du col du Lautaret. À la sortie de Villar d’Arène, nous nous sommes rendus au parking du Pont des Brebis (1672m) en-dessous du petit hameau du Pied du Col.
Le refuge de l’Aigle ça se mérite ! 1800 m de dénivelé ce n’est pas rien….
Après franchissement de la Romanche par une passerelle, nous remontons un sentier bien tracé d’abord dans une partie boisée puis dans de l’herbe rase et des éboulis. A la croupe herbeuse de la Passe du Midi (2217m) de beaux points de vue s’offrent à nous sur le lac du Pontet et le col du Lautaret qui nous semble bien plat. Puis nous retrouvons Jean-Pierre et Catherine vers le lieu-dit l’Âne (2375m). Dans une neige bien molle, nous prenons pied sur la langue terminale du Glacier du Bec. Après traversée du glacier, nous atteignons le col du Bec (3085m).
Au pied de la Barre, des traces de peinture rouge (ronds ou flèches) nous aident dans un cheminement dans une roche raide et délitée. À l’arête, formation des 3 cordées :
– Jean-Pierre, Agnès et Catherine ;
– Martine et Yolande ;
– Alexis et Anne.
Puis nous arrivons à la vire Amieux (3200m) qui domine le glacier du Tabuchet encore bien enneigé avec peu de grosses crevasses ouvertes.
La vire Amieux est un passage qui a été découvert par le guide de la Grave Lucien Amieux. Cette vire permet de quitter l’arête pour rejoindre dans sa partie moins raide et moins crevassée, le glacier du Tabuchet que l’on suit par sa rive droite jusqu’au refuge de l’Aigle (3450m).
Et nous sommes arrivés, heureux comme des rois de notre réussite, à ce refuge mythique. Le soleil et les nuages jouaient à cache-cache, voilant ou découvrant la Meige Orientale et tout le panorama autour du refuge.
Nous avons été accueillis au refuge par Béatrice Leitner qui gère ce refuge en alternance avec Florent Barbien son compagnon, guide à la Grave. Béatrice Leitner est Italienne du Sud-Tyrol et a travaillé dans d’autres refuges prestigieux comme le Goûter, Le Promontoire et Gnifetti au mont Rose.
Le refuge se compose d’un sas d’entrée, et d’une grande pièce avec dortoir d’un côté, salle à manger de l’autre dans une seule et même pièce. Le repas du soir a été bien apprécié, nous étions une vingtaine dans le refuge (beaucoup de jeunes), le refuge n’était pas plein, ce qui nous a permis de nous étaler sur les couchettes pour dormir plus à l’aise. Le lendemain, des courageux se sont levés aux aurores pour aller faire la Tête des Corridors (3734 m). Après un café et une omelette pour ces lève-tôt, la descente s’est faite par le même itinéraire.
Après la traversée du glacier du Bec, il m’est arrivé un problème inquiétant. Mes jambes ne me portaient plus du tout, et ma démarche s’apparentait à celle d’une Parkinsonienne. Progressivement, les affaires de mon sac ont été réparties dans les sacs des autres membres du groupe. À pas d’escargot la descente s’est faite, non sans mal et Alexis a même fini par me prendre mon sac, quel gentleman ! Arrivée à la voiture, les jambes se sont rétablies ! Nous avons pu prendre un pot au bar La Meijette à la Grave, dans un décor très kitch (il y avait trop de vent pour aller en terrasse) et partager le gâteau breton de Martine bien apprécié.
Voici le lien pour les photos :
https://photos.app.goo.gl/TUN8n3rnCPoi5zmm9
Vous avez un film d’une durée de 1 minute pris sur la passerelle qui donne une bonne idée du panorama.
Quelques mots sur l’histoire de ce refuge pour les personnes que cela intéresse :
Le refuge de l’Aigle est l’un des plus anciens refuges construits par le Club alpin français, il est géré actuellement par le CAF de Briançon. Il a été implanté sur le rocher du Bec de l’Aigle, émergeant entre le glacier de l’Homme et celui du Tabuchet. Il tient une place exceptionnelle dans l’histoire de l’alpinisme français et rappelle aux alpinistes initiés les pas de Pierre Gaspard, vainqueur de la Meije et ses arêtes en 1877.
Le refuge de l’Aigle a été construit en 1910 pour accueillir les cordées terminant la traversée de la Meije et permettre l’ascension de la Meije Orientale, le Grand Pic, le Doigt de Dieu. Au printemps, ce sont les skieurs de randonnée qui y font étape lors du Tour de la Meije.
À l’époque, les éléments de construction, ont été transportés à dos d’hommes, grâce à des caravanes de guides et de porteurs de la vallée. Pour limiter le poids et résister aux vents forts, le refuge fut construit avec des pièces de bois de petite section reliées à des pièces métalliques. Il fallut 142 jours pour monter le bâtiment de 28m2 qui comprenait une pièce unique avec deux niveaux de dortoir. De la paille servait de literie.
En 1962, le bardage extérieur du refuge est recouvert de plaques de zinc pour le protéger. Le refuge sera gardé à partir de 1971. Il sera modifié en 1986 par l’ajout d’une cuisine et d’un logement pour le gardien.
En pleine saison, les 18 places étaient devenues insuffisantes pour accueillir les alpinistes. Avec des vents et des gradients de températures importants le bâtiment s’étaient dégradé. Il avait besoin d’être agrandi et reconsolidé.
En 2004, le projet initial de rénovation du refuge de l’Aigle, qui prévoyait la démolition de l’ancien bâtiment, avait été vivement contesté par la communauté montagnarde. Après 10 ans de polémique, un consensus a été trouvé pour la rénovation autour de 3 principes présenté par Jacques Félix-Faure, architecte et dirigeant de l’Atelier 17C, en charge du projet :
– Préserver l’esprit du refuge, c’est-à-dire garder une pièce unique et conviviale pour manger, boire et dormir.
– Conserver l’âme du lieu : le bois. La structure en bois, les lits et le mobilier sont conservés ;
– Maintenir une valeur paysagère, rester sur une cabane et des volumes simples.
Dans un premier temps, l’ancien refuge a été démonté entièrement et les matériaux descendus en hélicoptère. La déconstruction s’est faite du 16 au 24 septembre 2013.
La cabane a été partiellement assemblée en amont, lors du Salon du bois de Grenoble en avril 2014, avant d’être remontée en hélicoptère. Puis deux entreprises spécialisées sont intervenues sur place pour fixer des micropieux dans la roche et installer le plancher métallique. Une charpente en bois massif contrecollé de quatre mètres de hauteur environ fut installée sur le plancher métallique. Une coque, habillée de tuiles d’aluminium, répondant aux normes actuelles de résistance aux vents et aux incendies protège la structure bois garantissant la pérennité du bâtiment.
Il aura fallu 12 tonnes de métal et 32 tonnes de bois certifié des Alpes, acheminé par hélicoptère pour réaliser cet ouvrage pour un budget de 1,5 millions d’euros (études comprises) dont 100 000 euros de frais d’héliportage.
La construction nouvelle intégrant l’ancienne structure s’est faite du mois d’avril au mois d’août 2014 avec une ouverture au public le 9 août 2014.
Le refuge est ainsi passé de 18 à 30 places pour une surface de 65 m2.
À l’intérieur, l’aménagement en couchettes superposées de l’ancien refuge a été conservé, mais sur trois niveaux au lieu de deux. La sécurité des alpinistes couchant en haut est assurée par une coursive surplombant la salle commune. Le gardien bénéficie également d’un espace de vie plus vaste. L’architecte Jacques Félix-Faure, de l’Atelier 17C, s’est inspiré de l’aménagement intérieur des sous-marins pour optimiser chaque mètre carré.
Deux sites intéressants pour en apprendre encore un peu plus :
Anne Monnier-Giraud