Peu d’amateurs pour cette sortie en Maurienne et c’est bien dommage, car la voie normale de la Croix des Têtes est inhabituelle et présente beaucoup de charme et de variété tout au long de la montée. On commence par la traversée du torrent en empruntant la passerelle de la conduite forcée, puis un agréable et confortable sentier s’élève dans un sous-bois de hêtre. De petits passages plus raides renforcent les mollets, Jean-Paul manque de peu de mettre le pied sur un serpent mordoré indéterminé, vipère ou couleuvre selon qu’on est pessimiste ou optimiste. Celui-ci plus apeuré que nous, se réfugie dans un trou de rocher.
Un peu plus haut, les hêtres laissent la place aux pins, et les premiers contreforts rocheux apparaissent. Un virage en épingle nous livre une vue vertigineuse sur la vallée et la falaise du Bec de L’Aigle. Le sentier devient plus escarpé et traverse maintenant des zones de blocs amoncelés, entrecoupées de petites prairies suspendues, elles même dominées par des éperons élancés. Des touffes d’herbes de près d’un mètre recouvrent par endroits le sentier, on dirait la savane. Un Vautour tourne inlassablement au-dessus de nous, prévoyant peut-être un repas.
Entre deux rochers, un passage étroit nous permet de découvrir le fameux « Pin Brulé » (vraisemblablement foudroyé) qui marque la fin de la première partie du parcours après 900m de dénivelé. Nane affaiblie par la chaleur décide de nous attendre sous l’ombre propice d’un grand pin. La vue est dégagée en direction du Brequin, et de la Haute Maurienne. Les trois hommes poursuivent l’ascension en suivant les cairns pittoresques ajoutés au fil des passages par les randonneurs. Le sentier grimpe sur l’arête sud, la contourne pour passer dans la face ouest. L’itinéraire compliqué zigzague entre les crêtes et les couloirs qui se succèdent. Le berger ou chasseur qui l’a découvert a dû chercher longtemps avant de trouver le passage. !
Un couloir plus vertical aboutit au passage du « Tut-tut ». Pourquoi ce nom ? Peut-être pour évoquer un train-train ? En tout cas le passage est suffisamment vertigineux pour qu’on ait envie de tirer le signal d’alarme ! E pericoloso sporgersi ! Heureusement, une longe est en place pour sécuriser les craintifs.
Un second couloir terreux, puis une grande dalle inclinée de schiste lisse et glissant dont le bas se perd dans le vide, donne accès au ressaut terminal. Le sommet sud est atteint à 13h. Le sommet nord n’est pas à notre portée car il nécessite un rappel et des passages d’escalade. Plus bas sur un contrefort herbeux deux Wind-suiter préparent leur équipement. Nous les suivons des yeux avec tout de même une petite crampe à l’estomac quand ils s’élancent dans un vide de 500m de hauteur.
A 14h nous retrouvons Nane qui nous offre le café, ce qui nous donne juste assez de force pour rejoindre la voiture. Il ne reste plus qu’à gagner le village de Beaune pour nous désaltérer au gite le « Shantonné » avec un grand boc de bière.
Ils m’ont accompagné : Nane, Jean-Paul et Jean-Mi des JDA