Samedi, 7h30, nous nous retrouvons devant l’ancienne patinoire de Grenoble, boulevard Clémenceau. 2 voitures s’en vont, faisant fumer la route poussiéreuse de la ville grise, avec à leur bord 8 paires de jambes en salopette, quelques paires de raquettes, des skis, 8 arvas, et tout le toutim !
La route est longue de Grenoble jusqu’à Samoëns. Mais quand en plus il faut multiplier les pauses pipi, que la saleuse est à l’œuvre dans la montée au col d’Évires , et qu’il faut multiplier les pauses pipi (si si, 2 fois), et bien ça n’est pas une mince affaire.
Au bout d’un temps certain, nous traversons Samoëns et avec un peu d’hésitation trouvons la petite route enneigée qui nous mène jusqu’au parking des Allamands. Là, Simon nous attend et assure le service avant-vente en distribuant thé chaud et petits biscuits aux participants engourdis par près de 3h de route.
La neige en vaudra-t-elle la peine ? Passée la première impression désagréable due au chaînage obligatoire pour le camion de Noël et la voiture de Simon dans la dernière pente, on peut dire que le cadre est à la hauteur des espérances. Champignons de neige sur les arbres, falaises surplombantes complètement plâtrées, et au loin arêtes cornichées qui donnent un air de Pérou aux sommets alentour.
Ce n’est pas un chemin que nous empruntons pour rejoindre le refuge de Bostan, mais une véritable piste verte damée. D’abord en pleine forêt puis au milieu d’alpages samiveliens. En 2h30, nous rejoignons le refuge dans une ambiance bien fraîche. Les discussions vont bon train. Et le soleil nous accueille sur la terrasse où nous nous installons pour le pique-nique. Ça ne dure pas et nous nous rapatrions à l’intérieur. Le chaud du refuge aura raison du courage de certains. 5 téméraires s’élancent sans s’être trop attardé au chaud pour ne pas se laisser emporter par la doucereuse tiédeur du poêle et le délicieux jus de myrtilles. Direction la tête de Bostan, à ski, pour Françoise, Jean-Paul, Kevin, Simon et votre serviteur.
La montée est bien plus directe jusqu’à avoir atteint la crête de l’Avouille et le pas de la Latte. Attention à ne pas passer côté nord de la montagne, car on tomberait sur les « Terres Maudites ». Tout est dit ! Nous rejoignons le brouillard ce qui peaufine l’ambiance particulière que nous trouvons là-haut. La crête débonnaire nous mène au sommet de la Tête de Bostan où les nuages se dissipent un moment pour nous laisser apprécier la vue sur le versant suisse, les dents blanches, la vallée du Rhône.
Il est 16h30 quand nous dépeautons pour prendre la direction du refuge. Le haut de la descente est peu skiant. Mais c’est finalement tant mieux car le brouillard rend ce parcours un peu incertain. Il faut veiller à ne pas descendre trop tôt dans le vallon des Verdets au risque de se confronter à des barres rocheuses traîtresses.
Nous repassons sous la limite des nuages au moment où la pente redevient intéressante à skier. Les beaux virages s’enchaînent, avec, comme à son habitude une démonstration de courbes télémark par Simon. Quelques belles gamelles, heureusement sans gravité pour les autres. Il faut dire que la visibilité n’est quand même pas exceptionnelle. C’est dire : Kevin ne voit même pas un mur de neige se dresser devant lui en sortant d’un creux dans la pente. Bim le nez !!
Nous arrivons au refuge à 17h30, juste à temps pour l’apéro !! Le lieu est plein ou presque et l’accueil est exceptionnel. Marie la patronne est accompagnée par 2 jeunes aides qui se démènent du soir au matin pour servir leur clientèle. Ils ont tous les 3 le sourire jusqu’aux oreilles et leur joie de vivre est communicative. Et il en faut un peu de la bonne humeur par ici ! Le public du refuge est assez hétérogène, mêlant familles montées là pour passer la soirée, groupes de skieurs plus aguerris et guides initiant des clients à la rando. On se rend alors compte de certaines évidences comme : la politesse est une option dont tous les modèles d’êtres humains ne sont pas équipés ; l’usage des toilettes sèches reste complexe voire polémique (excusez-moi pour ces détails, mais faire pipi DEVANT la porte des toilettes, certes dans la neige, je trouve ça carrément osé!! Il fallait y penser quoi!!!). Pourtant quelle évidence ici dans ces montagnes où l’alimentation en eau est complexe.
Mais franchement, l’équipe est au top, le refuge est très beau. La bouffe est …. fine et légère, digne de la plus grande gastronomie haut-savoyarde : fondue avec …. charcuterie !!!! Heureusement bien arrosée de vin blanc de Savoie, le meilleur du monde ! La nuit qui s’ensuit est tourmentée pour plusieurs d’entre nous. Au bord de la déshydratation, après un sommeil embué par la chaleur ambiante du dortoir, et les relents d’ail, nous nous levons vers 7h30. Simon nous fait profiter de sa maitrise parfaite de la technique de réveil justement nommée « debout JPP »(1).
8h, le dortoir est libéré, le café bien chaud, en mode double ration, histoire de faire passer l’arrière-goût de fromage de la veille et le début de serrage de ciboulot, caractéristique non-négligeable des Grands vin de Savoie. Le groupe se met doucement en route. Objectif de la matinée : monter au Col de Bostan, voire un peu plus haut. Mila préfère rester au chaud, éprouvée par le froid de la veille. 6 skieurs prennent la trace, suivie par Nicole et moi-même, tous deux équipés de raquettes.
Le passage crucial de l’itinéraire consiste en un dévers bien exposé sous les neiges suspendues dans la face nord des Dents d’Oddaz. Nous nous espaçons et j’en profite pour expliquer un peu le principe à deux jeunes raquettistes qui nous suivent et ne semblent pas trop au fait de ces simples procédures de sécurités : lorsqu’on a le moindre doute sur une pente, la première chose à faire est d’espacer les personnes d’une trentaine de mètres. Si jamais « ça part », on peut espérer limiter le nombre de personnes emportées par l’avalanche.
Je médite un moment sur ces endroits facilement accessibles qui attirent les foules. On y voit parfois des comportements « suspects », de pratiquants qui ne semblent pas toujours se rendre compte de la dangerosité des conditions. Sans compter sur le fait que visiblement « 30 mètres » c’est une distance suffisamment abstraite pour que ma remarque reste lettre morte …. Ma foi !
Le vallon est doux et offre un cadre magnifique. Il nous permet même d’observer de loin quelques chamois broutant les quelques herbes sèches perçant la neige au pied des ressauts rocheux qui nous surplombent. Seul point noir au vallon : l’ombre dans laquelle nous progressons alors que le soleil pointe ses rayons sur le sommet de Bostan, foulé hier après-midi. Le temps se couvre peu à peu et lorsque, enfin, nous atteignons des pentes moins encaissées, un voile gris persistent nous cache définitivement du soleil. À l’arrivée au col, le vent nous surprend. La température baisse encore un peu, tout comme la motivation des troupes. Encore deux bosses pour trouver une combe plus agréable pour les skieurs. Françoise et Simon tente une percée vers le Col du Taureau, alors que tous les autres reprennent le chemin du refuge. Nicole et moi prenons un peu d’avance dans le début de la descente, histoire de commencer à nous réchauffer, transis que nous sommes par le vent glacial qui balaye ces terres inhospitalières. Nous nous faisons rattrapé par les skieurs à peu près à mi- pente et arrivons au refuge « seulement » 15 minutes après eux. Comme quoi, en raquettes on ne va pas plus vite certes, mais il y a moins d’hésitation à choisir LA bonne pente, LA bonne neige, LE bon virage, toutes préciosités de skieur qui sont par ailleurs parmi les raisons qui me font justement adorer le ski de randonnée …. Et puis la neige du jour se prêtait vraiment à la raquette : 40 cm de fraîche par-dessus une couche de neige froide bien tassée.
Le pique-nique se prend à nouveau sur la terrasse du refuge. Il n’est que 13h et nous avons encore le temps de profiter de la descente. Je laisse Mila et Nicole à leur sort de raquettistes sur la piste damée et rechausse les skis pour attraper quelques virages dans les petits ressauts sous le refuge. Et on finit par une petite séance de jardinage entre les arbres : ça déboise grave avec Jean-Paul !!!
Encore une fois, les raquettistes ne se font pas attendre bien longtemps. À peine le temps de quitter les skis et les chaussures qu’on peut tous monter dans les voitures, direction Samoëns, son bar, son match de rubgy, ses supporters. Pas le meilleur endroit pour débriefer au calme. Mais ils ont de la Chouffe à la pression alors « ça va ».
Sur le chemin du retour, Françoise me dépose à la gare de Chambéry pour que j’attrape un train pour Lyon. Ce qui me donne l’occasion de finir la journée au calme, sieste, lecture, méditation sur ce beau WE passé en si bonne compagnie.
Un merci particulier à Simon pour l’organisation sur place et le choix de l’endroit. Merci à tous les participants : un groupe comme ça c’est quand même le pied !!(2)
Vive l’Alpes-Club centenaire !! A la prochaine.
(1) pour ceux qui n’auraient jamais pratiqué, ça consiste à allumer sans prévenir le plafonnier du dortoir environ 30 secondes après que l’alarme ait sonné ….. Que du bonheur pour les rétines !
(2) Ah mais si je dis ça on va croire que les groupes Alpes-Club sont d’habitude super enquiquinant !! Alors que même pas 🙂
PS : un grand Bravo particulier à ma tata Françoise qui doutait franchement de faire les 1400m de la Tête de Bostan et qui les a avalé presque comme si de rien n’était 🙂
Version Simon
Il est déjà 11h lorsque, enfin nous prenons le départ du sentier (plutôt la piste!) qui conduit au refuge de Bostan.En effet, depuis Grenoble la route est longue et semée d’embuches : pauses pipi, erreur de GPS, neige sur la chaussée… Mais rien qui n’arrête l’Alpes Club !La montée est régulière et large, la piste est damée. Nous ne sommes pas seuls, le coin est très fréquenté, mais il y a de la place pour tout le monde.Les craintes de Noël quant à l’enneigement et la météo sont vites dissipées : La neige est bien là, et le soleil aussi.
Le groupe progresse régulièrement tout en devisant gaiement, raquettes et skis se mélangent sans soucis.Il est déjà 13h30 lorsque nous arrivons au refuge de Bostan. La terrasse au soleil est déjà bien remplie, mais nous y trouvons une place pour casser la croute.Le ciel se voile plus vite que ne descend notre pique-nique, ce qui fait chuter aussi la température !Le repli à l’intérieur s’impose. Il fait bon et les tables sont pleines. Dehors la vue se bouche définitivement, le brouillard nous envahit. Et cela se ressent sur le moral des troupes.
A 14h30, nous reprenons le chemin vers la Tête de Bostan, le sommet du jour (blanc). Nous, c’est-à-dire : Françoise, Kevin, Lionel, Jean-Paul et moi-même. Nicole et Mila, les raquetteuses qui m’ont accompagné jusqu’au refuge, y restent. Noël et Christine aussi, peu motivé par la température et l’absence de visibilité. Je troque donc mes raquettes contre mes skis.
Finalement, la trace, évidente, entre les sapins puis sur la crête, nous conduit au sommet de la Tête de Bostan à 16h, 2400m. La descente se fait au GPS et à la boussole, merci Lionel ! Nous profitons de la poudreuse sur la fin de la descente, le couché de soleil nous offrant quelques couleurs sur le relief.La soirée commence par une bonne bière, puis c’est fondue pour tout le monde, qui nous collera aux bancs du refuge autant qu’à l’estomac. C’est bon, très bon, mais lourd ! Une bonne nuit de digestion et c’est reparti.
Dimanche matin, petit déjeuner à 8h00. Le soleil est revenu, mais il fait encore -7 au départ, nous sommes bien début février !Tout le monde se prépare et nous quittons le refuge à 9h00.Mila restera au chaud pour la matinée, Nicole et Lionel attaquent le fond du vallon en raquettes, tandis que les skieurs se lancent dans la même direction, dans des traces déjà bien marquées.
La cohabitation se fait naturellement et nous poursuivons à l’ombre, l’ascension vers le Col de Bostan. But de la journée : Les Dents Blanches occidentales. Une belle promesse, mais après une Après une montée bien fraiche, un vent bien plus froid nous accueille au col.L’accueil en Suisse est glacial ! Un bref coup d’œil aux Dents du Midi et au panorama et le groupe se sépare, la majorité redescend se mettre au chaud.
Avec Françoise, nous tentons une montée vers le pas du Taureau, joli col juste au-dessus de nous. Mais la pente est bien chargée, et peu confiant dans la tenue du manteau neigeux nous rebroussons chemin vers la crête qui monte à la combe des Dents Blanches. Pas de chance, la crête est bleue : glace vive avec quelques plaques de neige soufflée. Le passage est délicat, l’accroche incertaine. Une fois libérés de ces quelques centaines de mètres sur le fil des carres, nous rejoignons un espace plus stable. Nous faisons rapidement demi-tour, la glace à la descente ne nous rassure pas. Françoise ne connait pas son nouveau matériel. Finalement, les skis sont super, l’accroche est très bonne et la poudreuse encore meilleure ! Elle est heureuse !
Nous finissons la descente vers le refuge avec de beaux virages, pour rejoindre les autres sur la terrasse.Un casse-croute, une petite bière, on récupère nos affaires laissées sur place et on finit jusqu’aux voitures. Le soleil va et vient entre les nuages, mais la descente est bonne. Piste pour les uns, border cross pour les autres, et tout le monde se retrouve sur le parking. Le pot sera pris à Samoëns, face ou dos à l’écran géant des rugbymen et je laisse les grenoblois reprendre la route.
Les skieurs : Christine et Noël, Kevin, Françoise, Jean-Paul, Lionel et Simon
Les raquetteurs : Mila, Nicole, Lionel et Simon